Retour Les comportements perturbants, objet et épreuve de la relation de soin

Quand les comportements font problème dans le soin

Dans de nombreux contextes de soin aujourd’hui, la question du « comportement » des patients fait problème. Dans le domaine de l’enfance comme en gériatrie ou en psychiatrie adulte, en établissement ou en ambulatoire, circulent des catégories telles que « troubles du comportement », « agitation », ou encore « comportements inadaptés ». Ces qualificatifs pointent des moments où la relation de soin est mise à mal, où l’ordre des interactions entre les patients et les professionnels est perturbé par des gestes ou des paroles inattendus, troublants, des formes de violence ou de rejet des soins.

Ces comportements vécus comme problématiques peuvent émerger de manières différentes sur la scène du soin. Ils sont parfois l’un des motifs pour lesquels les personnes ont été orientées vers des professionnels du soin. Dans ce cas, les comportements perturbent dans d’autres contextes sociaux (l’école, la famille, le lieu de travail, l’espace public…) et les professionnels du soin sont sollicités pour y répondre. Les enfants identifiés par l’école comme présentant des « troubles du comportement » en sont un exemple. Des comportements perturbants peuvent aussi apparaitre dans les interactions avec les soignants chez des patients pris en charge pour un autre problème, et qui se montrent « opposants », « agités », « hétéro ou auto-agressifs ». Ils se présentent parfois comme un trouble associé à d’autres difficultés (cognitives, sensorielles), inscrit dans une pathologie plus large.

Dans ces différents contextes, les soignants font face à des problèmes spécifiques et difficiles à résoudre. La gestion quotidienne des crises et des refus, qui amène parfois à recourir à la contrainte, peut mettre en cause les pratiques de soin et l’adéquation de la prise en charge. Trouver des orientations et des places pour ces patients qui rentrent mal dans les cases, perturbent le travail ou sont susceptibles de « faire exploser » un groupe ou un service est aussi une difficulté récurrente. En outre, la qualification de ces comportements et de leur origine est elle-même incertaine et objet de controverse. Certes, le « trouble du comportement » fait partie des classifications diagnostiques aujourd’hui[1], mais ces perturbations sont également très influencées par le contexte. Les professionnels se demandent alors dans quelle mesure la tolérance de l’environnement ou l’organisation des interactions interviennent dans la définition d’un comportement comme problématique, mais également à quel point le soin constitue une réponse sociale adaptée.

Récemment, la question des troubles du comportement a acquis de la visibilité dans les politiques publiques sanitaires et sociales. La Haute Autorité de Santé a ainsi publié des recommandations de bonne pratique pour la prise en charge de l’hyperactivité. Les difficultés liées aux troubles du comportement « extrêmes » ont donné lieu à la création de dispositifs sécurisés spécifiques, lorsque ces difficultés sont associées à la maladie d’Alzheimer ou à encore à des troubles cognitifs sévères. Les formations à la gestion des situations de crise et des troubles du comportement, objet d’une forte demande dans le domaine sanitaire ces dernières années, poursuivent leur essor.

[1] Les« troubles mentaux et du comportement » constitue ainsi le chapitre 5 de la CIM-10 (Classification internationale des maladies publiée par l’OMS)